Était-ce le bon moment pour festoyer et oublier ce qui se trame dans l'ombre ? Une guerre est sur le point d'éclater et pourtant cela n'empêche pas le roi de vouloir détendre ses sujets grâce à de la nourriture, de la musique et de la boisson. Aegon est encore un enfant et même si pour Aemond il n'a surement pas les épaules pour diriger à l'heure actuelle il n'en demeure pas moins son frère et fera tout pour le protéger et le soutenir. C'est donc tout naturellement qu'il s'est rendu dans cette immense salle afin de participer au banquet sans grande conviction, à vrai dire il se contente de rester silencieux et observateur envers les convives qui ne sont surement pas enclin à vouloir lui adresser la parole. Cela lui convenait parfaitement, il n'avait aucunement envie de tisser une quelconque amitié éphémère.

Une longue table était érigée pour les convives que ça soit les Targaryen, les Lannister et autres invités prestigieux acceptant de participer à ce banquet. Aemond était assis non loin de sa famille et prit soin d'observer discrètement le roi qui semblait se contenter avec joie de sa position plus que forte tandis qu'une musique en fond très légère semblait détendre certains esprits. C'est bien parce qu'Aegon lui a demandé de venir qu'il est ici même si pour le coup sa seule envie était de repartir à Harrenhal et planifier le prochain coup. Aspirant depuis son plus jeune âge à devenir un combattant redoutable, il a suffit qu'il mette les pieds sur ce terrain pour se sentir comme attirer par l'acquisition des honneurs en s'opposant aux ennemis du roi qui ne sont autre que le parti Noir de Rhaenyra.  En attendant il était ici à attendre...

Se mettant volontairement à l'écart comme à son habitudes, Aemond demeurait silencieux et ne semblait pas vouloir déguster le repas et les minutes lui donnaient l'impression d'être des heures jusqu'à ce que son regard ne se pose sur une personne en particulière. Cerelle Lannister qui se trouvait autour de la table et à côté de lui par extension tout en sachant que le fait qu'il l'observe n'est pas dû au hasard car plus tôt il a croisé sa sœur Tyshara avec qui il a eu une discussion suite à tout ce qui se passe ces derniers temps. Doit-il s'attendre à ce que la jeune femme et ainée du seigneur de Castral Roc ne suive le même mouvement que sa sœur cadette ? C'est assez bizarre pour Aemond de revoir des visages qu'il n'avait plus vu depuis un moment et encore plus en sachant qu'il s'était mis en tête de ne pas revenir de sitôt à Port-Réal. Ca lui fait plaisir ne vous fiez pas à son apparence mais sa situation est assez complexe au sein de la capitale.

Impatient, Aemond tapota du bout des doigts la table tout en s'affalant bien au fond de sa chaise, bien droit. Vivement que ça se termine. « Le roi pense que ce banquet est bénéfique. Et toi qu'en penses-tu ? » Demanda t'il à Cerelle sans pour autant lui adresser un regard, ce dernier était rivé sur son frère, le roi. Le ton de sa voix en disait d'ailleurs assez long sur son exaspération. Un banquet. Des ignorants.

Un banquet, au pire moment qui plus est. Les espions de Rhaenyra avaient dû envoyer mille missives pour les alerter de cette soirée déplacée ; le roi Aegon buvait à la mort de son neveu avec fierté en vengeance de la perte de son fils. Cerelle était prise en otage par ce festin comme tous les membres de la cour. En apparence, ils buvaient pour le moral des soldats. Mais au fond, ils priaient tous pour la défaite du camp ennemi. Quant à elle, parue de son éblouissante robe rouge aux coutures dorées, Cerelle faisait de son allégeance un sujet à débattre. L’humilité et la discrétion sont des défauts inconnus des Lannisters.

L’habitude veut qu’elle se hisse au milieu d’une table, pas loin de son prince préféré. Le repas se déroule sans grand divertissement. Tel un poisson dans l’eau, elle échange plaisanteries et politesses avec les seigneurs et dames attablés à ses côtés. On pourrait presque penser qu’une guerre civile ne s’était pas déclenchée hors de ces murs tant une joie factice respire sur son visage. Sur ceux de tous les sujets.

Le regard d’Aemond se sent insistant. Toujours aussi observateur celui-là. C’est presque un gâchis de n’avoir pas réussi à décrocher ce gros lot comme son père l’en avait chargée. Il est nerveux... ou bien impatient ? Il est vrai que la salle dans laquelle il se trouve n’est guère en sa faveur. Mais qui s’intéresse réellement de ce que pense la plèbe. Cerelle prend une gorgée de vin. Son sourire suffisant porte toute l’insolence de sa réponse. « Vous êtes bien trop aimable de vous enquérir de l’avis de vos pauvres sujets, mon Prince. » Bien sûr, il n’avait pas son avis au cœur lorsqu’il a fait couler la première goutte de sang. Elle suit son regard vers le roi puis elle retourne ses yeux émeraudes sur lui, l’air amusée. C’est donc ça qui le préoccupe... c’est trop adorable. Il n’y a pas de quoi être tendu.

Cerelle se décale d’un siège pour se rapprocher de lui et ainsi, fait tomber les paroles formelles lorsque les oreilles curieuses sont trop loin pour entendre son masque craquer. « Peut-être qu’un repas chaud et une belle ballade te rendra plus agréable. N’est-ce pas là le but d’un banquet ? Danser et rire ? Détendre les muscles serrés sur ton front ? Ou bien, es-tu encore secoué par tes dernières aventures pour m'offrir un petit sourire ? » Elle glousse légèrement, comme si elle venait de raconter la meilleure blague de l’année. « Oh, j’oubliais. Tu n’as jamais été doué pour montrer ces belles dents. » Ne sois pas si grognon, essaye-t-elle de lui dire en mélangeant moquerie et allégresse – un cocktail plus enivrant que ce stupide banquet. Elle pourrait toujours faire passer son impertinence sur la faute du vin plus tard.

Il n'a tout simplement pas sa place au sein de ce banquet qui n'est qu'une façade pour écarter les problèmes extérieurs se liant à la future guerre qui se profile. La question est de savoir si c'était le bon moment pour organiser ça ? Aegon n'est selon Aemond pas assez mature pour prendre la place de leur père mais il est l'héritier et par conséquent il se doit de porter la couronne pour éviter que les bâtards de Rhaenyra et la femme elle-même ne vienne entacher ce trône d'une présence féminine. Ce n'est pas la place d'une femme et dans son éducation on lui a toujours rabattu les oreilles avec certains récits qu'il ne peut y avoir qu'un roi et non une reine. Une tradition qui se doit d'être respectée. Et qu'en dit sa voisine de table ? Celle qui est devenue une amie tout comme sa sœur avec tout de même un petit quelque chose supplémentaire est également présente pour le plaisir d'Aemond qui se sent moins seul du coup. Enfin, c'est ce qu'il pense et ce n'est qu'un avis personnel. Il laissa un léger soupir reflétant son attitude moqueur et sarcastique. Qu'est-ce qu'il en avait à faire de l'avis des citoyens de Port-Réal.

Aemond leva son verre lorsqu'Aegon finit par croiser son regard. Mais Cerelle vint rapidement captiver son attention lorsqu'elle tenta de lui faire décocher un sourire ou dans le meilleur des cas une perspective plus apaisante pouvant faire tomber son masque impassible. Impossible de répondre favorablement à ses "propositions" mais il décrocha néanmoins un très faible sourire en coin en tournant son regard vers elle alors qu'elle venait de finir d'énumérer les options. « Et toi toujours aussi doué pour mettre le doigts sur mes problèmes ! » Quel est le sens de cette phrase ? Qu'entends t'il par là ? Il faut savoir que Cerelle a toujours été eu une place particulière dans le sens où elle a tentée de se marier avec lui il y a quelques années sous la demande de Jason Lannister, son père et ayant refusé, ils sont finalement devenu des amis. Se lier d'amitié avec les filles Lannister est une chose plutôt aisée pour Aemond qui a su tisser des liens avec elles malgré la complexité qui règne désormais à cause de son acte. Elles sont différentes, il a bien noté ça et contrairement à Tyshara, il comptait agir différemment et profiter de ce banquet pour montrer une autre facette de lui. Nombreux veulent le discréditer suite au meurtre de Lucerys mais il faut savoir montrer qu'il est plus fort que ça encore, que ça ne le touche pas.

« Mais tu as raison. » Sur ses paroles, Aemond se leva de sa chaise sous le regard de nombreux convives dont son frère et sa mère en particulier. L'assistance était surprise voir même choquée. Il lui tendit une main. « Je suis sûr que tu ne verras aucun inconvénient à m'accorder une danse ?! » Ayant horreur de tout ça et se trouvant bien loin des festivités dans ce genre, Aemond comptait du coup profiter de l'occasion pour montrer que rien ne semble l'atteindre. Comment allait réagir Cerelle ? Surement un battement de cœur qui allait louper son tour. En tout cas le prince était encore plein de ressources et prit la main de Cerelle pour se diriger vers le petit espace où se trouvait déjà quelques couples. « Il parait également qu'un dragon a toujours des ressources ? » Et il était pas en reste pour le coup.

Ayant longuement observé durant les nombreux banquets à l'époque, Aemond possède une excellente mémoire comme peut en témoigner les quelques pas de danse qu'il effectuait tout en trainant dans son sillage Cerelle. Était-il détendu ? La question n'est pas là mais bien de savoir si les convives étaient redescendus sur terre. N'ont-ils pas été frappé par un choc psychologique en voyant ce revirement de situation ? Même Aegon ne semblait pas en revenir.  « Ton père avait peut-être raison au final. Pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas à Harrenhal ? As-tu encore la patience de supporter ces hypocrites ? » Une question qui n'est pas anodine du point de vu d'Aemond. Non, en réalité tout est soigneusement calculé et les mots sont choisis avec soin par le Prince qui a un but bien précis.

Il y a un vice caché sous le sourire de Cerelle qui prend un malin plaisir à le taquiner. Le soi-disant prince parfait, celui qui méritait d’être roi, ne semble pas à l’aise avec les décisions de son frère aîné. Il ne cache même plus ses expressions. Elle relâche un léger rire d’amusement à sa réponse. Il n’y a rien de plus distrayant que de voir un noble altier perdre son sang-froid. Peut-être qu’au lieu d’apprendre l’épée et la chevalerie, Aemond aurait dû se joindre à elle lorsque son père Seigneur de l’Ouest le lui avait offert. Depuis bien longtemps elle aurait réglé ses problèmes s’il avait accepté sa main. Elle aurait même fait construire un fantastique donjon pour Vhagar. Vivre au Roc c’est comme être perché sur le dos d’un dragon ; la hauteur retourne le cœur.

En sa position d’invitée à la cour, Cerelle ne peut pas se permettre d’agréer avec lui, surtout pas en public. Même s’il est vrai qu’elle n’en pense pas moins. Pauvre Tyshara est inconsolable par cette perte, mais aux yeux de l’aînée, les hommes comme les princes sont tous remplaçables.
Aemond se lève et ne manque pas d’engendrer des murmures dans la salle. Qu’allait-il faire encore ? Il s’avance et l’invite à danser. Aemond Targaryen, danser ? Connait-il au moins les pas ? Ou aurait-il compris sa leçon... ? La Lannister lui lance un regard étonné et lui offre son bras avec délicatesse. Il a de la ressource, en effet. « Attention, je suis une partenaire imprévisible. » lui chuchote-t-elle comme si ses mots cachaient un sens invisible. Que ce soit en danse ou dans la vie, Cerelle ne révèle jamais ses prochains pas.

Surprenamment, il n’est pas aussi mauvais danseur qu’il ne parait. Elle le félicite de reconnaitre les mouvements qui sied à la musique. Elle rit et se moque de lui tant la situation est improbable. Serait-il en train de s’amuser ? Impensable. Le reste des convives en est bouche-bée. Fière de son travail, elle suit ses pas au rythme saccadé.
Sa proposition la fait fléchir tout à coup. Son cœur manque un battement et elle doit vite se ressaisir pour ne laisser aucune émotion passer sur son visage. Elle rétorque alors un énième sarcasme : « Un si joli visage comme le mien n’est pas fait pour voir les horreurs de la guerre. » Plus elle ressasse ce qu’il vient de dire et plus la Lionne est énervée. Croit-il réellement qu’il peut jouer avec elle comme un banal sujet à la cour. Ses mots ne sont pas anodins, et elle n’est pas sûre d’apprécier ce qu’il sous-entend. Lui aussi a une arrière-pensée, il suffit qu’elle gratte la surface pour découvrir ce qu’il a en tête. « Quel genre de personne serais-je si j’abandonnais ma sœur après que tu lui aies brisé le cœur ? » ne manque-t-elle pas de répondre pour le désarçonner. La mort de Lucerys est encore fraîche dans la mémoire de tous. « Si je te suis, viendras-tu me rendre visite à Castral Roc quand tout ce chahut sera fini ? » dit-elle d’une voix encore plus sérieuse, sachant bien que leurs mots ne les promettent à rien. Des paroles en l’air qui ne servent qu’à les piquer l’un l’autre.

Malheureusement pour lui, elle est toute aussi hypocrite que le reste d’entre eux, et il ne semble pas en comprendre la raison. « Si tu dois un jour devenir roi, je suppose que tu devrais savoir au moins ça. » soupire-t-elle, résignée à lui rappeler les bases de la politique. « Les banquets sont une distraction. Tant que les gens festoient, ils oublient la guerre. Pourquoi crois-tu que ma Maison lègue autant d’argent à la Couronne ? Penses-tu que le soutien de mon père est gratuit ? » Un Lannister ne connait pas ce mot. Et elle, elle n’est pas facile à obtenir. Surtout pas après un premier refus humiliant.
La musique change et les entraîne dans un tempo plus langoureux. C’est une ballade qui semble lui rire au nez. Cerelle roule des yeux et se rapproche de son partenaire, jouant son jeu à la perfection.