Qu'allait-il bien pouvoir lui dire ? Si il y a bien une chose qu'il a essayé de repousser c'est bien cet instant qui pourtant reste inévitable. Mais pourquoi ? N'était pas assez proche d'elle pour venir plus tôt ? Où est-ce la crainte d'avoir une réaction négative à son égard de sa part ? Douce et préventive, Helaena a toujours été adorable avec lui contrairement au reste de sa famille le mettant souvent de côté, elle était une épaule sur laquelle il pouvait se reposer à l'époque où tout était compliqué et maintenant ? Elle est seule dans sa chambre à se lamenter sur le triste sort de son enfant tué par des mercenaires suite au meurtre de Lucerys. Coïncidence ? Destin malheureux et tragique ? L'annonce de la mort de l'enfant a touché le prince contrairement à celui de Lucerys qu'il voyait comme un geste logique étant donné la rivalité qui prône entre les deux partis et la menace qu'ils représentent pour Aegon. Mais avant de repartir pour Harrenhal, Aemond avait besoin de voir sa sœur donc le chagrin est surement immense, bien plus que ce qu'il a vécu durant sa jeunesse.

Marchant dans les couloirs dont le silence régnait et permettait au léger bruit du vent venir capter l'audition du prince, ce dernier ne manqua pas de jeter un regard à travers les ouvertures donnant une vue sur l'horizon extérieur. Un temps agréable qui était loin d'être déplaisant. Sur son chemin se dresse une silhouette, celle d'une femme d'âge mure tenant un plateau et se dirigeant en direction de la chambre d'Helaena.  « Toi !!! » Interpella t'il d'une voix grave stoppant net l'avancée de la femme. Aemond s'approcha vivement pour venir prendre le plateau où était entreposé un repas.  « Je m'en occupe. Retournes à tes autres occupations. » C'était un ordre. Comment savait-il qui était cette femme ? Pour la petite précision il la connaissait depuis qu'elle a été nommée comme servante, une femme très gentille au passage.

Son ascension se termine rapidement devant la porte de la chambre gardée par deux gardes. Il lança un bref regard au deux hommes en armure.  « Le roi m'envoie. » Un mensonge nécessaire vu qu'ils pourraient très bien refuser son entrée malgré son statut de Prince et frère de la princesse Helaena. Les deux hommes lui laissèrent rapidement un espace pour qu'il puisse s'engouffrer dans la chambre après avoir franchi la porte. Son sœur se serra dans sa poitrine alors qu'il tenait fermement le plateau, son regard venant détailler rapidement ce que ce dernier contenait. Se nourrissait-elle vraiment ? Cette perspective la montrant en train de se dégrader psychologiquement fait monter en lui une peine omniprésente qui semble s'accrocher à son esprit, son cerveau. Il finit par franchir la porte.

Elle était loin l'époque où elle était souriante et où elle accueillait sa présence par une accolade satisfaisante. Une dégradation aussi flagrante laisse des séquelles et autant dire que la vision qu'avait Aemond à cet instant le bloqua quelques secondes. Sa sœur était là, assise dos à lui tout en étant tournée vers la fenêtre ouverte au fond de la chambre. Un silence de mort régnait dans cette pièce, un sentiment désagréable qui parcourra l'échine du prince qui finit par s'avancer vers elle. Il déposa délicatement le plateau sur la petite table ronde à ses côtés.  « Je t'apporte ton repas. » Un geste généreux et une attention délicate qui ne ressemble pas à Aemond dans sa globalité mais qui montre qu'il est attaché à sa sœur. Surprenant n'est-ce pas ? Qui était là quand Aegon s'en prenait à elle verbalement ? Qui était là pour la défendre et même se mettre devant elle quitte à affronter la menace afin de lui assurer une certaine sécurité ? « Je....je voulais venir te voir et prendre de tes nouvelles avant de repartir. » Voilà la raison de sa présence, sa sœur lui manque. Il aurait fait un meilleur mari qu'Aegon. « Helaena ? » On lui avait dit qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même mais il voulait capter un minimum son attention même si elle ne lui adresse pas la parole. Aemond se permit de se mettre assis sur une des chaises se trouvant à côté afin de se trouver à la hauteur de sa sœur, son regard rivé sur cette dernière cherchant ainsi à capter le sien.

du rouge de partout. sur les mains et sur les habits et dans les yeux. liquide cramoisi qui tapisse les murs et qui recouvre le sol. c'est chaud et ça donne la nausée, et c'est toujours présent. du matin jusqu'au soir, les mains en sont recouvertes et même en se frottant les mains pendant des heures ça ne va pas s'en aller. ça c'est imprégné dans le corps, devenu une part d'helaena, comme un corps étranger. gamine qui avait donné naissance au fils aîné, corps bien trop petit qui s'était extirpé de ses entrailles en hurlant avant d'y retourné une fois les battements du cœur stoppés à jamais dans un silence de plomb.  

je suis devenue folle, les dieux m'ont punis, je suis tombée.

elle a gratté, helaena. dans le bain, quelques heures plus tôt. tirée du lit pour être traînée dans cette eau chaude qui autrefois l'aurait ravie. mais plus aujourd'hui. le lit, bien trop grand pour une seule personne, recroquevillée sur elle-même, semblait plus attrayant. les réconfortants sont bien plus alléchants que n'importe quoi d'autre. alors lorsque mère lui a demandé une énième fois de sortir du lit pour enfin prendre un main, elle n'a pas bougé helaena, elle n'était pas sûre d'avoir bougé d'un centimètre depuis plusieurs jours, peut-être une semaine. les jours se fondent et se confondent dernièrement. le soleil se lève et se baisse dans le ciel mais elle n'arrive pas à garder le compte.

plusieurs ongles sont cassés. de l'autre main helaena caresse les griffes brisées. vestiges du combat qui s'est passé quelques heures plus tôt, les servantes la trainant par terre pour essayer de l'emmener jusqu'au bain, traces sur le plancher qui témoignent des événements récents. les hurlements - ses hurlements - qui résonnent encore dans les tympans, cris stridents résonnant dans la chambre jusqu'à ce que la tête soit enfin sous l'eau. la peau et les cheveux sont propres, mais sans éclat. simple poupée sans vie qui ouvre et ferme les yeux, lève et baisse la cage thoracique.

je suis devenue folle, les dieux m'ont punis, je suis tombée.

est-ce une malédiction?
la malédiction des targaryens, voués à vivre dans le malheur, éternellement? des fils arrachés à leurs mères beaucoup trop tôt. une famille qui se voit comme des égaux des dieux et qui se font punir à cause de cela?

est-ce que tu pourrais venir me rendre visite dans mes rêves jaehaerys? ça me ferait plaisir.

elle rêve de lui, parfois. souvent. toutes les nuits. les derniers instants d'un enfant tant chéri, yeux bleus qui la regardent d'un air terrifié, un cri sans bruit sur les lèvres sans qu'il puisse en sortir. il n'a pas eu le temps de laisser le hurlement sortir de la gorge. et puis jaehaerys se transforme en maelor, et puis en jaehaera et puis en dragon, songefeu qui hurle et qui crache des flammes, partageant la douleur et la misère que ressent helaena.

des pas qui se rapprochent et une voix bien trop connue qui résonne dans la pièce. aemond. aemond est là, toujours présent et toujours vivant mais helaena ne bouge pas, incapable de faire le moindre mouvement. elle voit l'œil d'aemond.

un oeil semblable à aegon. à elle, aussi. à maelor et à jaehaera.
à jaehaerys.

jaehaerys.
vaghar.
lucerys.
il faut tout reprendre à partir de la fin, pour comprendre le début.

je suis devenue folle, les dieux m'ont punis, je suis tombée.

impossible de le regarder. une pelote verte, une pelote noire. dragons de chair, tissant des dragons de fils. tout commence par un dragon et deux fils, chaire contre chaire et sang contre sang. vert contre noir et les deux se battent sans qu'aucun ne prennent le dessus, rouge qui coulent sur les deux, salissant la couleur. ça s'infiltre et ça ne s'en va pas, hémoglobine qui revient à nouveau.

il pose un plateau, et celui-ci va sûrement rejoindre les précédents, tous ramenés par les servantes sans avoir été touchés. mère a essayé de la faire manger, l'autre jour. quelques cuillérées qu'elle essayée de forcer dans la bouche de sa fille, mais la bile est tout de suite montée et la belle robe verte de mère s'est retrouvée tâchée. et mère s'en est allée, des larmes chaudes coulant sur les joues. elle n'avait pas voulu lui faire du mal, helaena. elle n'arrive juste pas à manger, c'est trop difficile.

aemond va repartir. repartir où? loin d'elle, loin d'aegon. quelque part, loin de la malédiction. elle aimerait lui prendre la main, toucher le visage et dessiner le contour de la cicatrice qui dessine le visage mais les mains ne bougent. ne veulent pas, impossible. comme lorsque mère essaie de la toucher pour l'enlacer.

je suis devenue folle, les dieux m'ont punis, je suis tombée.

Est-il seulement apte à partager la tristesse de sa sœur ? Forgé par la solitude et les nombreuses critiques à son égard, Aemond a su se construire une carapace au détriment de la sensation que représente nombreux états d'âmes. Il suffit de regarder avec quelle ferveur il s'y est prit pour raccourcir l'existence de Lucerys avec l'aide de Vhagar, un bâtard de moins qu'il jugeait comme l'un des responsables de son enfance quelque peu chaotique par moment et ennemi de la couronne par extension. Le prince n'aura aucun scrupule à tuer jusqu'au dernier des enfants de Rhaenyra si ça peut assurer la sécurité du roi, son frère. Mais Helaena n'a rien à voir dans tout ça et a été victime d'un attentat visant un de ses enfants dans le seul but de vouloir frapper un gros coup en sachant que jaehaerys était également le fils du roi et héritier légitime. A quoi pouvait-elle aspirer désormais ? Des rumeurs disent même qu'elle a du mal à regarder ses enfants et plus principalement un à cause de ce qui s'est produit. A t'elle déjà songée au suicide ? Une optique qui semble éveiller en Aemond une haine bien plus féroce. Mais où se situe cette carapace ? C'est un peu comme un filtre ne laissant passer que les mauvais sentiments, l'obscurité grandissante dans son esprit dominait pleinement sa vision déjà bien brouillée. Il n'en partage rien mais il n'en pense pas moins et compte bien à son tour répondre d'une façon bien plus cruelle encore et autant dire que son côté sadique n'a plus rien à prouver. En attendant il se tenait aux côtés de sa sœur dans l'espoir qu'elle puisse lâcher quelques mots à son égard même si elle doit le repousser ou l'insulter. Aemond a besoin de savoir qu'en dehors du côté physique elle est encore ici, avec eux, avec lui.

Il l'observe mais sans la moindre réaction malgré son attention qu'elle pourrait juger comme un énième recours de la part de leur mère dans le but de la faire réagir. Mais Aemond était-il le mieux placé pour ça ? Doit-il se reposer sur le lien qui l'unie à sa sœur ? Le plateau était sur la petite table, il se racla silencieusement la gorge avant de déposer son regard vers l'extérieur à travers l'encadrement de la fenêtre. « Tu te rappelles de la fois où nous nous cachions dans le donjon avec Aegon ? Je m'étais perdu et tu étais là, tu m'as escorté tout en cachant ma présence pour éviter qu'on me trouve. Je dois admettre que tu as toujours été la plus maligne des trois et la plus avenante. » Peut-être que si il faisait remonter certains souvenirs elle finirait par réagir ? Il n'était pas très doué pour la discussion, il préfère se battre et faire couler le sang mais parfois il faut savoir faire des concessions. Du coin de l'œil il jeta son regard vers elle afin d'en voir le résultat. Compliqué. Il soupira légèrement. « Pardonne-moi ! » Aemond qui demande pardon ? Heureusement qu'il se retrouve à huit-clos avec sa sœur car c'est bien une première et Helaena est bien la seule personne qui a ce privilège de voir une autre facette de ce dernier. Mais qu'est-ce qu'elle doit lui pardonner exactement ? Pas celui d'avoir tué Lucerys en tout cas. « Les citoyens de Port-Réal me voit comme quelqu'un de dangereux pour la capitale, peut-être qu'ils n'ont pas tords mais jamais je ferais quoi que ce soit qui pourrait te mettre en danger que ça soit toi ou tes enfants. J'ai toujours été là pour toi et je le serais toujours. » Bon orateur ? Il ferait un très mauvais roi pour le coup. Aemond prit d'ailleurs l'initiative de se lever et prendre la direction de la fenêtre, il se planta juste faisant désormais dos à sa sœur.

« Ils disent que je suis un monstre, un parricide sans se soucier une seule seconde de ce qui se trame au-delà de la capitale. La politique est un fardeau qui entraine la mort dans son sillage et tout ça pour quoi, le pouvoir ? Il fut un temps où tout était plus simple, cette époque où notre père était encore en vie était synonyme de barrière face aux mœurs les plus sombres. Tout ce que j'ai fais c'est pour assurer votre sécurité contrairement à ce qu'on peut penser mais tu ne le verra surement pas de cette façon. » Elle est bien plus intelligente et c'est faire la part des choses. Saura t'elle le faire pour le coup ? Alors que ce qu'il a fait pour les protéger a entrainer la mort de son fils ? Une perspective compromis surtout qu'elle ne semblait pas sortir le moindre mot. « Tu me connais, tu sais que je ne ferai jamais rien qui pourrait vous blesser et encore moins toi. » Il se retourna et se dirigea doucement vers sa sœur toujours assise dans la même position, le regard vide. S'accroupissant, il lui déposa une main sur la sienne sans se poser la moindre question, un geste affectif et avenant envers celle qui n'est l'ombre d'elle-même. Ce contact pourrait peut-être la faire réagir ? Il ne demande pas grand chose, seulement un signe. « Je t'aime Helaena ! » Comme un frère et une sœur même si nombreuses personnes ont pendant un temps sous-entendu qu'ils avaient une relation secrète. « Je donnerai ma vie pour toi et tu le sais. » Mais d'abord il se doit de tuer la putain de Peyredragon, son oncle et le restant de ses neveux ou en résumé sa famille appartenant au parti noir.